L'étendue des possibles

2025
Acrylique et fusain sur contreplaqué
Dim. : 5 panneaux de 50 x 40 cm

Définie dans ses traits les plus essentiels, une abstraction consiste à séparer d'une chose l'une de ses caractéristiques. C'est ce que l'on fait sans y penser, par exemple, lorsqu'on contemple un paysage in situ. Devant soi, l'étendue change d'échelle : n'étant plus à perte de vue, contenue dans de plus justes proportions, l'immensité est à portée de doigt : « Quel magnifique point de vue ! » Comme isolé du monde ambiant, le paysage est le produit d'une réduction, l'effet subtil d'un resserrement du champ de notre perception. Pourtant, lorsque nous le montrons du doigt, il nous semble aussi naturel que la neige en hiver ou le chant des cigales à l'orée de l'été. Dans le champ d'une pratique artistique d'orientation minimaliste, une abstraction présente certaines similitudes avec cette réduction : par exemple, elle peut consister à dissocier la couleur verte d'une pelouse aperçue dans un parc afin de la considérer isolément, sous une forme dépouillée à l'excès, celle d'un aplat de vert. Dans une mise entre parenthèses de cette sorte, si l'expérience de la couleur se suffit à elle-même, l'esprit cherche souvent la justification : il exige le sens, il demande des comptes, il veut rendre raison. « Qu'est-ce que c'est ? », s'étonne-t-il, démuni. Face au tableau abstrait, le doigt est sans appuis et l'esprit est sans voix. Ici, la couleur est tout ce qu'elle peut être : soluble dans l'espace ou, à l'inverse, mobile et extensible à l'infini. Elle mesure l'étendue des possibles.

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